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Sophie Gamand : la photographe qui chantait à l’oreille des chiens

Couronnée d’un Sony World Photography Award pour sa série « Wet Dog » (chien mouillé), Sophie Gamand revient sur son parcours et ses idées décalées. Portrait d’une mordue de la photo.

 

Son vernis bleu, assorti au reste de sa tenue décontractée, rappelle la couleur de ses yeux de biche. Ses cheveux blond platine, coupés, frangés, et lissés au carré accusent une féminité qu’intensifient paradoxalement les graves de sa voix. Une voix de chanteuse qui s’élève sur la terrasse de la Somerset House, où reposent neuf de ses clichés. Il fait 20°C à Londres. La cérémonie des Sony World Photography approche. Sophie Gamand sait qu’elle a gagné.

 Gamand

Une consécration pour cette autodidacte de la photo. « Ce que j’aime dans ce concours, c’est sa double ouverture sur l’art conceptuel et figuratif. » En 2013, elle soumet « Dog Vogue », une série de chiens affublés dans des tenues plus extravagantes les unes que les autres. « Je ne pense pas avoir alors bien cerné les attentes du jury. Bien que déçue, j’ai décidé de retenter ma chance l’année suivante. » À raison puisque « Wet Dog », réalisé dans un salon de toilettage new-yorkais, lui vaut une récompense dans les catégorie et sous-catégorie « Open » – « Art & Culture ». Pourquoi les chiens ?

« Je voulais parler des hommes sans avoir à travailler avec eux. » Une forme de timidité que l’artiste surmonte en se tournant vers la race canine. « Les chiens sont, selon moi, le miroir de la société. » À l’inverse, les chats sont plus mystérieux, voire mystiques. Plus insaisissables ». Où Sophie trouve-t-elle son inspiration ? Aux US, où elle vit à présent, et surtout à Puerto Rico, où elle assiste régulièreement à des scènes d’une extrême cruauté : des criminels s’entraînant à  tirer sur le meilleur ami de l’homme, des pattes cassées, des oreilles déchiquetées… Comment l’artiste dompte-t-elle ses modèles ? Avec sa voix sensuelle. « Alors que certains photographes usent de jouets en tout genre, je me charge moi-même du bruitage. Ainsi je peux tenir la caméra des deux mains. »

Une technique vocale issue en partie du chant lyrique, qu’elle finit par abandonner pour se consacrer exclusivement à l’art visuel. Forte d’un master en droit la destinant à une carrière de juriste, Sophie Gamand lance un magazine dédié à la photographie. Elle part ensuite par amour à New York. Là, elle s’inscrit à l’International Center of Photography, où le professeur Harvey Stein la couvre de critiques sévères, quoique constructives.

Parmi ses projets, une nouvelle série sur des chiens primitifs sans poils. « La peau nue souligne la part d’humanité de certaines espèces qui, en l’absence de maître pour les assujettir se révèlent capables, par exemple, de marcher sur leurs pattes arrière. ». Autre travail en cours : un portrait de Brooklyn à travers l’histoire de quelques félins. « L’occasion d’inclure progressivement les hommes dans des scènes axées sur les chats. » Des clichés à ne pas attendre avant au moins un an. « Je suis assez lente car je jongle souvent entre plusieurs idées ». À suivre, donc.