EXPOS-Watteau

Quelques mots sur l’expo Watteau

Dur… dur de résumer les galants propos du musée Jacquemart-André. C’est pourtant la lourde tâche qui nous revient aujourd’hui.

 

Un mot sur le thème traité : c’est la fête !

fête galante : n. f., expression qui désigne un genre pictural né à la fin règne de Louis XIV, mais surtout autour de la figure d’Antoine Watteau (1684-1721). Il se développe sous la Régence (1715-1723) et l’influence de Nicolas Lancret (1690-1743) ainsi que de Jean-Baptiste Pater (1695-1736), qui lui apportent une dimension réaliste. Des œuvres d’artistes contemporains, des costumes de comédiens se retrouvent alors représentées dans quelques toiles. Quant à François Boucher (1703-1770) et Jean-Honoré Fragonard (1732-1802), leur influence se lit dans un raffinement et un exotisme accrus.

 

Un mot sur la scénographie : galant le Gall !

On ne change pas une équipe qui gagne. Pour sa onzième collaboration avec le musée Jacquemart-André (« Désirs & Voluptés à l’époque victorienne », « Canaletto-Guardi, les deux maîtres de Venise », « Fra Angelico et les Maîtres de la lumière »…), Hubert le Gall, qui s’est également illustré à l’Orangerie (« Frida Kahlo/Diego Rivera »), à Orsay (« Masculin/Masculin ») et au Grand Palais (« Odilon Redon, Prince du Rêve », « Aimé Césaire, Lam, Picasso, Monet »…), a opté pour une extrême sobriété. Les murs crème ne sont ornés, en leurs coins, que de branchages tantôt gris tantôt sanguine ; un tracé qui rappelle la gravure, procédé auquel recourait souvent Watteau pour recopier la silhouette des personnages susceptibles de reparaître dans ses futures compositions. Les salles réservées aux dessins arborent, quant à elles, des carrés de tissus ardoise, gansés d’or, évoquant le papier bleu utilisé dans certaines études préparatoires au fusain. Pour une fois lumineuse, la scénographie de cette exposition temporaire reproduit fidèlement l’atmosphère de l’époque et du sujet abordés. L’occasion pour le spectateur de se concentrer sur chaque œuvre et non sur le décor, car « chaque toile appelle à une contemplation attentive », affirme le commissaire général, Mary Tavener Holmes.

 

Un mot sur l’affiche : l’ancre de Lancret

Il s’agit d’un Lancret. Des “Plaisirs du bain” (1725), pour être exacte. Pourquoi cette toile plutôt qu’une autre ? Peut-être parce que presque chaque salle compte une œuvre de cet artiste ambitieux – contrairement à ses pairs Lancret souhaitait entrer à l’Académie -. Pourquoi mettre l’accent sur lui, dans ce cas ? Parce que « nous avons essayé de donner à voir ici des peintures issues de collections moins connues », dixit Mme. Holmes.

 

Un mot sur Lancret : le râteau de Watteau

Qu’est-ce qui distingue Lancret de Watteau ? C’est la question que nous avons posée à Miriam Gaudio. D’après la chercheuse italienne, au moins cinq différences opposent les deux artistes, leur traitement du corps, leur utilisation de la couleur, leur sens de la narration, et leur rapport au réel.

Conformément au Traité du Beau du philosophe suisse Jean-Pierre Crousaz (1663) Nicolas Lancret dote ses modèles féminins d’un front large, de grands yeux écartés, et d’un visage rond. Moins physionomiste que son aîné, il avoue peiner à dessiner les pieds.

Si c’est par la forme que Watteau perpétue le mythe de la grâce, c’est à travers une plus riche palette que Lancret se détache. Aux teintes vaporeuses du premier, répondent les vifs aplats du second. Une divergence qui détermine la relation que chacun entretient avec la réalité. De nature nostalgique et maussade, le père des fêtes galantes trouvait refuge dans des scènes oniriques. À l’inverse, son successeur se plaisait à intégrer des éléments préexistants dans ses compositions, tel l’archer de Jacques Bousseau dans « Fête galante avec Persan et statue » (1728). Or qui dit réalisme, dit audaces assumées. La nudité s’avère, en effet, un outil de séduction incontournable chez Lancret.

Enfin, si les toiles de ce dernier ne respectent aucun schéma narratif, les tableaux de Watteau tendent, en revanche, à être lus dans un sens particulier. C’est le cas du fameux « Pèlerinage à l’île Cythère » quoique son intitulé prête à confusion. Certains critiques arguent de techniques de gravure inversant l’image d’origine pour soutenir la thèse d’un retour depuis la Grèce. D’autres s’en réfèrent au titre d’une réplique conservée au Château de Charlottenburg à Berlin, « Embarquement pour Cythère » pour affirmer le contraire. Qu’il s’agisse d’un départ ou d’une arrivée, il y a sens de lecture à suivre.

Une anecdote pour conclure, puisqu’il le faut : « Lorsque Watteau se rendait au théâtre », raconte Miriam Gaudio, « il était jaloux du succès de Lancret auprès des jolies filles, qu’il semblait attirer comme des mouches. »

« De Watteau à Fragonard, les fêtes galantes », du 14 mars au 21 juillet, au Musée Jacquemart André