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L’art à l’écran #2

Atteint d’une flemmingite aiguë, El Cojano me passe le flambeau.

 

The Best Offer : qui dit mieux ?

 

Personne. En termes de réalisation et de casting, le film est un sans faute. Ou presque. Notes artistique et technique : 9/10.

 

Le pitch : c’est le portrait de Virgil Oldman, un commissaire priseur qui passe sa vie à reconnaître les plus grands faussaires et à collectionner des œuvres qu’il vend aux enchères. Tout ça pour finir escroqué par l’un de ses proches collaborateurs. L’arroseur arrosé. Outre son esthétisme, ce film de Giuseppe Tornatore (Everybody’s Fine, Baaria) jouit d’une cohérence formelle qui met véritablement son, ses sujet(s) (le thème et l’actrice principale) en valeur.

 

À la recherche d’une esthétique et du temps perdu

Difficile de parler d’art sans tendre à une certaine esthétique, tant dans la forme que dans le fond. Le travail sur le cadrage est notable dès la première scène. Virgil Oldman, alias Goeffrey Rush (Le Discours d’un Roi) semble ouvrir les yeux sur son statut de célibataire endurci. Pour rendre compte de cette prise de conscience, un gros plan sur la flamme qui éclaire son gâteau d’anniversaire. Symétrie parfaite, effet de flou en arrière plan… La bougie se dresse seule au milieu d’un gâteau raffiné et, par extension, d’un restaurant aussi bondé que bruyant. À voir également comme une préfiguration de l’idylle qui guette le protagoniste. À la toute fin, on le retrouve attablé dans un restaurant tchèque. Seul, mais dans l’attente de son amour perdu. La caméra s’éloigne au lieu de se rapprocher. Un mouvement recul presque dialectique puisque à la thèse (un homme) et à l’antithèse (un homme + une femme) hégéliennes succède toujours une synthèse, c’est-à-dire un retour au point de départ marqué d’une légère différence quant à la situation originelle. Ici, le personnage replonge dans la solitude, accompagné cette fois-ci d’une nostalgie à laquelle il était initialement étranger.

Best Offer 1La galerie de portraits de Virgil

Derrière lui, un mécanisme d’horloges accusant la profonde circularité du film. En effet, la répétition de certains motifs et plans donne à l’ensemble un caractère cyclique propre aux toiles allégoriques classiques, telle « L’Allégorie du temps gouverné par la prudence » de Titien. Pourquoi ce parallèle ? Parce qu’on en revient toujours à l’art. Et c’est tant mieux. Impossible toutefois de rester contemplatif devant le tableau animé de Tornatore ; le plaisir du spectateur consistant surtout à identifier les chefs-d’oeuvre filmés. Un Carpeaux dans l’entrée de l’héroïne ? Un Véronèse, un Ingres ou un Magritte dans la chambre forte de Virgil ? Cette mise en valeur systématique des œuvres tourne à la mise en abyme, faisant du réalisateur un excellent peintre paysagiste.

Best Offer 4Tic toc…

 

Vivre de l’art, un art de vivre

Initié à la restauration dans un orphelinat, Virgil Oldman consacre toute sa vie à l’art. Adulte, il anime des ventes aux enchères où il envoie un peintre raté acheter ses lots préférés au moment-même où il les présente à une riche clientèle. Dans son appartement-musée, un placard à gants cache une pièce peuplée de portraits. Des portraits dont il apprécie davantage la présence que celle de vraies femmes… Jusqu’au jour où il rencontre Claire (la somptueuse Sylvia Hoeks) qu’il traite, elle, comme un tableau. Le toucher du vieil homme semble aussi sensuel lorsqu’il caresse un faux Dürer que quand il frôle le dos de sa protégée.

Best Offer 2La pseudo agoraphobe

L’argent ne fait pas le bonheur. Passé ce cliché, on peut entrer dans le vif du sujet : le héros tombe entre les griffes d’une femme souffrant soi-disant d’agoraphobie. Soi-disant car la question se pose à plusieurs reprises dans le film : « L’amour peut-être falsifié, comme un tableau ? ». Apparemment, oui. Malgré les indices semés tout au long de la pellicule, le spectateur se laisse sciemment prendre au piège. Quel choc quand on comprend que Claire n’est autre que la maîtresse d’un ambitieux mécanicien, le très séduisant Jim Sturgess (Un Jour, Upside Down), déterminé à dépouiller Virgil de tous ses biens ! On le devine quand la jeune femme disparaît en même temps que la dite crapule. Que pouvait-elle bien trouver au premier ? Comme un portrait de Véronèse ou de Vermeer, c’était trop beau pour être vrai. Dommage, on aurait tellement voulu y croire.

 Best Offer 3

Comment lui résister ?