EXPO-Maison rouge

Une maison rouge qui bouge

La fondation parisienne présente une exposition itinérante consacrée à Eugen Gabritschevsky (1893-1979) ainsi que les œuvres mécaniques de Nicolas Darrot. En avant, marche !

Eugen Gabritschevsky : deux cents dessins

Paris est le point de départ de ce parcours jalonné de quelque 200 dessins du peintre russe dont, exclusifs, ceux réalisés avant son entrée à l’hôpital psychiatrique de Haar (1929). Des dessins sans signification précise – s’il en est une à trouver – car la sélection de la Maison rouge compte une majorité de “Sans titre”. Seule, la datation encourage la subjectivité. On sait ou on apprend que l’œuvre de Gabritschevsky, traité vers la quarantaine pour schizophrénie, est torturée. Pourtant, l’éventail de couleurs que dévoilent ses gouaches suscite moins un sentiment d’angoisse que de sérénité ; si bien que certaines scènes infernales pourraient passer, par leur aspect kaléidoscopique, pour des paysages bucoliques. Pas besoin de titre afin de désigner ou reconnaître – selon le point de vue – la tortue ouvrant la dernière salle aux animaux dévolue. The devil – prononcé dèvol en vue d’une assonance – is in the detail, paraît-il. À voir et/ou revoir aux prochaines étapes de cette fascinante rétrospective, à savoir la Collection de l’Art Brut de Lausanne, à l’automne, et l’American Folk Museum de New York, au printemps 2017.

Tortue

Nicolas Darrot sans dessein 

Si d’aucuns le soupçonnent de tendre au contrôle absolu, ses œuvres se révèlent,  contre toute attente, drôles. Premier artiste à avoir investi le patio de la Maison rouge, en 2006, Nicolas Darrot expose aujourd’hui vingt nouvelles pièces dans un cadre monographique. La référence aux insectes, dans le cartel liminaire, effraie. Elle annonce la série Dronecast (2002) qui met en scène des créatures mi-animales, mi-machines. Quand il ne joue pas les Frankestein, le plasticien havrais met ses talents de bricoleur au service d’un art a priori sombre. Et si l’on devait lui trouver un point commun avec Gabritschevsky, ce serait un penchant irrésistible pour les ténèbres. L’un dépasse le Mal par la  couleur ; l’autre, par l’humour. Loin de rassurer, le statisme de certaines œuvres inquiète. Ce n’est que quand celles-ci prennent vie que l’on se déride enfin. Amusant, ce masque à gaz dont les pans déchirés se meuvent telles des mandibules ! Le bonhomme en paille qui danse entre deux bâches d’allure fantomatique a quelque chose de Chewie dans Star Wars. Tel est le paradoxe de cette surprenante exposition, provoquer des sourires en guise de sursauts.

Eugen Gabritschevsky, jusqu’au 16 septembre ; Nicolas Darrot, jusqu’au 18 septembre. Maison rouge, Paris