EXPOS-Londres

Top 3 des expos londonniennes

 La mode italienne, Matisse, et Véronèse. Pas le temps de chômer dans la capitale anglaise.

 

Si l’Italie est à l’honneur stations Leicester Square et South Kensington, la France envahit le premier étage de la Tate Modern. Visites privées pour MEs MOts d’expos, tandis que les visiteurs s’alignent consciencieusement derrière la caisse. 18£ (21 euros) le billet pour l’expo Matisse ! 20£ si l’on cède à la donation. 14£ ou 15£ à la National Gallery et 12£ ou 13,50£ au Victoria & Albert Museum ! C’est cher soit, mais ces tarifs justifient la gratuité des vestiaires et des fascicules distribués à l’entrée, prestations payantes à Paris, par exemple. Or il est tellement plus plaisant de pouvoir enrichir sa contemplation avec un texte à l’appui. Les cartels ne suffisent pas toujours, même si ce sont eux que reproduisent les brochures de la Tate. La National, elle, fait mieux car elle remet les légendes de chacun des tableaux exposés entre les mains des visiteurs.

 

Matisse glisse sur la Tamise

À peine entré, que l’on s’assied. Un film muet ouvre l’exposition : l’artiste à l’ouvrage. Dire qu’à force, il n’avait plus besoin de tracer les contours réservés à ses coups de ciseaux. Ces contours, au fusain, on les retrouve dans une œuvre, le “Nu Bleu IV”. Attention le numéro a son importance car il refoule cette femme indigo au début de la fin, c’est-à-dire au début d’une série qui marque les dernières années d’Henri Matisse (1869-1954). Passé maître dans l’art du découpage, le peintre français se lance dans la réalisation systématique de “gouaches découpées”. L’ancêtre du copié-collé puisqu’il s’agit au fond d’assembler des bouts de papiers préalablement imbibés de peinture. Présenté ainsi le concept n’a rien de révolutionnaire, sauf que cette technique est un moyen pour son inventeur de réconcilier des entités contraires. La “Grande composition aux masques”, par exemple, regroupe le visage de l’Occident, à gauche et la face de l’Orient, à droite ; des techniques variées, du dessin à la gravure, en passant par la peinture ; et surtout des motifs complémentaires, à la fois figuratifs et décoratifs. Un panneau-synthèse de dix mètres sur trois qui confère à la dernière période de Matisse un caractère monumental. D’où l’espace prévu entre chaque œuvre présentée à la Tate.

Matisse Grande composition aux masques, 1953

La scénographie suscite un sentiment de clarté qu’entrave la popularité du sujet traité. Les cartels sont lisibles ; les coloris de Matisse, mis en valeur par l’éclat des murs blanchis en référence à son atelier dont les parois lui servaient parfois de toile (la plupart de ses travaux en ont été arrachés pour être reconstitués ailleurs – papiers, cartons, tissus) ; les salles, limitées en contenu quoique malheureusement surchargées de monde, si bien que l’on se sent rapidement étouffer. Impossible de rester plus d’une minute devant un extrait de Jazz tant le public se presse autour des vitrines recelant les pages de ce livre illustré. On se console face à la Chute d’Icare, que les gens ignorent sous prétexte qu’il ne fait pas partie du recueil en question. Quant au Dragon (1943) il se distingue dans cette épuration extrême par son cadre doré, liberté engagée par le Staatliche Museum zu Berlin où il est conservé. “La dimension exceptionnelle de l’écriture me semble obligatoire pour être en rapport avec le caractère des planches de couleurs”. Ainsi parlait Henri Matisse dont on discerne vaguement, derrière deux ou trois têtes, la grosse écriture d’enfant. Enfant… de la Vierge… En 1947, la Chapelle de Vence commande au peintre une série de vitraux dont on rencontre un exemple impressionnant à l’approche de la sortie. Moralité : ce n’est pas une fichue maladie des os qui aura paralysé la créativité d’Henri Matisse. Au contraire jamais n’aura-t-il été aussi productif que sur la pente du déclin physique.

 

“Henri Matisse : The Cut-Outs”, du 17 avril au 7 septembre, Tate Modern

 

Véronèse, n’en déplaise

Rétrospective plus exhaustive à la National Gallery. De 1545 à 1580, spectre cristallisant l’oeuvre de l’artiste italien Véronèse (1528-1588). À la National Gallery et non la National Portrait Gallery, attention ! Les deux prêtent à confusion. Entre les moulures au plafond, le parquet ciré, et les colonnes de marbre, le dépaysement est total. Les murs se déclinent en autant de teintes méticuleusement agencées dans les toiles exposées, du bleu nuit au vert forêt en passant par le lie-de-vin. Décor sublime accueillant, à mi-parcours, des portraits de gentilshommes pour la plupart inconnus. Dans les premières salles dominent les mines extatiques de Marie, Saint Jean-Baptiste, Saint Antoine, Marie Madeleine, entre autres figures catholiques. Un visage féminin retient l’attention, pourtant, celui de la “Bella Nani”. Cette robe en velours bleu, cette coiffe tressée serrée, ce regard perdu en contre-plongée. Ne les a-t-on pas déjà rencontrés quelque part ? Au Louvre, bien sûr !

VeronesePersée délivrant Andromède, 1555

Né à Vérone (comme son nom semble l’indiquer), Véronèse devient rapidement la coqueluche de l’aristocratie vénitienne. Parmi ses commandes honorées dans la ville aux gondoles, des tableaux symboliques et mythologiques. Passés les adorations et les martyrs, on tombe dans une petite salle hexagonale abritant une quadruple allégorie l’Amour. Réalisée en 1570, cette série aurait été commandée par Rodolphe II du Saint-Empire pour orner les plafonds du château de Prague. En condamnant “L’infidélité” et “Le Dédain”, l’empereur peut ainsi recommander à ses sujets “Le Respect” et l’harmonie (“L’heureuse union”) au sein d’un couple. Quid des héros grecs ? Parce que l’Antiquité s’avère peu présente, on apprécie d’autant plus les toiles qui lui sont consacrées. L’exposition s’achève, par exemple, sur le célèbre “Persée délivrant Andromède” du musée des Beaux-Arts de Rennes. Point final à point nommé.

 

“Veronese : magnificence in Renaissance”, du 19 mars au 15 juin, National Gallery

 

Le glamour coté par la Botte

Direction le Victoria & Albert Museum, soit “Heathrow – Terminals 1, 2 3″ sur la Piccadilly Line. Eh oui, il est un accès direct au musée depuis le métro. Queue interminable. On a beau arriver en avance, le staff a du mal à se mettre en route. Qu’importe ! On frôle les sculptures issues des collections permanentes avec autant d’admiration que de frustration. Pas le temps de s’arrêter devant Poséidon et son trident, Vénus et sa coque, Athéna ou Héra. L’exposition temporaire n’attend pas. Soit, mais laquelle ? Une brochette de robes de mariées dominent l’allée principale. Il est bien question de fashion (à prononcer “à la française” au nom de la versification), mais pas d’union. On traverse donc la boutique, bifurque à gauche pour suivre l’évolution de la mode italienne de 1945 à nos jours.

FashionDernière salle

Rien à voir ! Ou plutôt si, 120 ensembles et accessoires provenant des plus grandes maisons de couture italiennes. Tout commence le 1955. La guerre est finie ; la censure vestimentaire, levée depuis dix ans. Giovanni Battista Giorgini invite ses concitoyens à exposer leurs créations à la Sala Bianca de Florence. Un tremplin vers la scène internationale. Hollywood jette son dévolu sur la Botte. Elizabeth Taylor et Audrey Hepburn deviennent les ambassadrices de la mode italienne. Le nom de Bulgari revient sans cesse. C’est le sponsor de l’exposition. Luminosité réduite pour reproduire l’atmosphère d’un véritable showroom. Manquent les mannequins se dandinant sur un podium. Pour agrandir l’espace, des miroirs où l’on se surprend en train de baver devant un vêtement. La fin du parcours explique comment le glamour s’est transformé en produit marketing. Au milieu de créations contemporaines griffées Versace, Dolce & Gabbana, Marni, et même Capucci, une musique de relaxation quelque peu décalée. Idéale dans le cadre d’un massage. Heureusement, un bruit de flashes prend le dessus avant de laisser la parole à diverses figures de la mode italienne. Une bande-son perturbante qui oblige que l’on ferme les écoutilles, et ouvre d’autant plus grand les yeux.

 

“The Glamour of Italian Fashion 1945-2014″, du 5 avril au 27 juillet, Victoria & Albert Museum, London

 

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