SOCIO-Musees de peintres

Les musées de peintres en France (1/3)

Le musée Soulages ouvre ses portes en mai. L’occasion de recenser tous les musées de France consacrés exclusivement, ou presque, à un artiste. 

 

Plus qu’un hommage, c’est un retour aux sources que revendiquent certains musées. Le retour aux sources d’un artiste dans la ville qui l’a vu pousser son premier cri, ou rendre son dernier souffle. Entre inspiration et expiration, vingt-six monuments, chacun dédié à un peintre français. Ce n’est pas tant leur appellation que leurs collections qui importe. Bien que rebaptisé musée Hyacinthe Rigaud (1959), par exemple, le musée des beaux-arts de Perpignan n’est pas uniquement dévolu à l’œuvre du célèbre portraitiste. On pourrait aussi croire que le musée Nicolas Poussin ne possède des toiles issues que d’une palette, alors que son nom et sa fierté ne tiennent qu’au seul « Coriolan supplié par sa famille ». À l’inverse, le musée Soulages, qui s’apprête à ouvrir ses portes à Rodez, se concentre sur des Outrenoirs réalisés de 1979 à nos jours, marques de fabrique dudit contemporain. Au-delà des musées, des ateliers et des maisons qui ont vu naître quelques uns des plus grands chefs-d’oeuvres l’Hexagone. Les voici les voilà, égrainés un par un, région par région.

 

1) Musée Tomi Ungerer – Centre international de l’Illustration, à Strasbourg (ALSACE)

 

Tomi qui ? Né le 28 novembre 1931, à Strasbourg, cet artiste contemporain ne connaît pas le succès qu’il mérite en France. Rendons donc à Ungerer, ce qui est à Ungerer, en revenant notamment sur sa vie. Enfance marquée par la Seconde Guerre mondiale. Cohabitation avec des officiers allemands. Endoctrinement nazi à l’école. Au sortir du conflit, Tomi redevient français. Élève indiscipliné, il s’inscrit aux Arts décoratifs pour s’en voir expulsé. Étalagiste et publicitaire dispersé, il débarque à New York avec soixante dollars en poche et un carton de dessin sous le bras. Le succès est immédiat. Son contrat avec le New York Times lui vaut de publier vingt-quatre livres pour enfants en dix ans. Sans compter ses affiches contre la guerre du Viêt Nam, qui assoient sa renommée chez les Ricains.

1975 marque le début de sa réconciliation avec la France. L’illustrateur cède sa première œuvre à la ville de Strasbourg. De donation en donation, un musée est né. En 2007. Dans la Villa Freiner. Avenue de la Marseillaise. Cocorico ! Un comble. À l’intérieur, plus de huit mille dessins ainsi que six mille jouets issues de la collection personnelle de l’artiste, à découvrir prochainement hors des réserves de l’établissement.

Stitched Panorama

 

2) Musée Fernand Desmoulins, à Brantôme (AQUITAINE)

 

Le nom de Fernand Desmoulins (1855-1914) sonne-t-il plus familier ? C’était l’élève de William Bouguereau (auteur du magnifique « Dante et Virgile », à Orsay), puis de Luc-Olivier Merson. Non, toujours pas ? Disons dans ce cas qu’il a fréquenté les plus grands de son temps, de Ferdinand de Lesseps, à Jules Ferry en passant par Raymond Poincaré, Pasteur, mais aussi des hommes de lettres tels que Renan, ou Zola. Autant de personnalités dont l’artiste a brossé le portrait. Des Goncourt et de Daudet, il illustre quelques ouvrages désormais exposés dans son fief natal.

Paix à son fantôme ! Crée en 1951, par le maire et docteur André Devillard, le musée de Brantôme change d’apparence et de nom en 2000, pour accueillir les collections du peintre disparu. Beaucoup d’huiles, mais surtout des gravures ; ainsi qu’une série de croquis dits « automatiques ». En effet, dès 1890, Desmoulins s’écarte de l’académisme pour se livrer à des pratiques médianimiques. Entre tables tournantes et substances illicites, quatre-vingt figures au fusain. Alors c’est qui le père du Surréalisme ?

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3) Musée Greuze, à Tournus (BOURGOGNE)

 

Tournez manège à Tournus, en Bourgogne ! C’est là que Jean-Baptiste Greuze (1725-1805) est né, là que l’historien Jean Martin a réuni la plupart de ses estampes. De cette collection émerge un musée, en 1894. Un musée planté au cœur de l’Hôtel-Dieu, ancien hôpital de la ville. Au delà des salles consacrées aux écoles française, flamande et italienne, deux espaces dédiés aux œuvres du peintre. Des tableaux, deux autoportraits, ainsi qu’une vingtaine de dessins, sanguines, lavis et gravures interpolés entre tomettes et poutres. Vive les arts graphiques !

À VOIR AUSSI : la maison du peintre, au 5 rue Greuze… SOCIO-Musees de peintres 3

 

4) Musée Mathurin-Méheut, à Lamballe (BRETAGNE)

 

Tout Lamballe attend l’extension de cette charmante bâtisse à colombages. Un projet en gestation depuis 2009. Initialement appelé « Maison du Bourreau », le musée Mathurin-Méheut (1882-1958) assure, depuis plus de trente ans, la postérité du peintre et céramiste dont il porte le nom. Dix mille œuvres, léguées par la femme et la fille de ce dernier, lui valent le titre de « Monument Historique », en 1909. Une donation contestée en 2001 par les héritiers du défunt. Verdict du Haut Conseil des musées de France : la collection sera divisée en deux. Cinq mille tableaux pour le musée ; et l’autre moitié pour les descendants de Méheut. Non mais euh…

À VOIR : l’exposition “14 – 18, Méheut au front”, du 1er avril au 31 décembre

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5) Musée Lansyer, à Loches (BRETAGNE)

 

Il y a vécu ; il y a même peint. Campé à Loches, le musée Lansyer n’est autre que l’ancienne demeure de la mère d’Emmanuel Lansyer (1835-1893), ce paysagiste formé tour à tour par Eugène Viollet-le-Duc, Gustave Courbet et Henri Harpignies. Fort de cet enseignement multiple, complété par l’École de Barbizon, le peintre reçoit la Légion d’honneur en 1881. Réaliste notoire, il puise dans ses voyages l’inspiration nécessaire à ses compositions. D’aucuns le comparent à Corot. Pourtant sa maison-musée ne regroupe qu’une centaine de toiles, outre ses collections d’objets japonais et d’eaux-fortes du XVIIIème siècle. Un parcours thématique dans un cadre intimiste.

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6) Musée Gustave Courbet, à Ornans (FRANCHE-COMTÉ)

 

Impossible de passer à côté de l’ « Enterrement à Ornans » qui trône au rez-de-chaussée du musée d’Orsay. Pourquoi Ornans ? Parce que c’est là qu’est né Gustave Courbet, l’auteur de cette dernière toile ; là qu’a ouvert en 2011 un musée à son effigie. Deux mille mètres carrés pour vingt-et-une salles d’exposition au total. Un espace qui s’étend sur trois bâtiments, la maison Borel, l’hôtel Hébert et l’hôtel Champereux. Bien que moderne, l’architecture de cet établissement culturel respecte à la fois l’environnement et l’intimité de la maison où vécut l’artiste. Certaines passerelles vitrifiées donnent à voir la Loue coulant en contre-bas. Nouveau-venu dans les collections permanentes : le « Chêne de Flagey » que certains interprètent comme un autoportrait du peintre. Si l’arbre-modèle a depuis longtemps disparu, la ferme dont il dépendait demeure, en tant que salle d’exposition/maison d’hôtes. À venir : la reconstitution du dernier atelier occupé par l’artiste avant sa mort.

À VOIR : « Cet obscur objet de désirs. Autour de l’Origine du Monde », du 7 juin au 1er septembr.

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7) Musée Picasso, à Paris (ÎLE-DE-FRANCE)

 

Voilà un bel exemple de dation en paiement. En 1975, les descendants du grand Pablo Picasso (1881-1973) cèdent une partie de leur héritage à l’État afin de régler leurs droits de succession. Où conserver les œuvres léguées ? Telle est la question. Dans l’Hôtel Salé, propriété de la Ville de Paris, estampillée Monument Historique en 1968. Or l’installation de cette collection dans un bâtiment classé présente un réel défi. Un défi que relève, dès 1976, l’architecture Roland Simounet, dont le mérite aura été de respecter et de moderniser une architecture datée du XVIIème siècle. Pas d’extension prévue. Le mobilier commandé est signé Diego Giacometti. Le Musée national Picasso est inauguré en 1985. Après vingt ans d’activitié, la restauration de ses façades impose une fermeture temporaire. S’ensuit une remise aux normes, en 2009, laquelle devrait prendre fin dans le courant de l’été prochain.

À VENIR : la réouverture du musée Picasso, en juin 2014

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8) Musée Delacroix, à Paris (ÎLE-DE-FRANCE)

 

« Mon logement est décidément charmant (…) Réveillé le lendemain en voyant le soleil le plus gracieux sur les maisons qui sont en face de ma fenêtre. La vue de mon petit jardin et l’aspect riant de mon atelier me causent toujours un sentiment de plaisir. » Ainsi parlait Eugène Delacroix (1798-1863) de sa dernière adresse, le 28 rue Fustenberg. Pourquoi quitter la rue Notre-Dame-de-Lorette ? Pour pouvoir se rapprocher de l’église Saint-Sulpice qu’il est chargé de décorer. Divers locataires se succèdent après sa mort, parmi lesquels Maurice Denis et Paul Signac, accompagnés du reste de la Société des Amis d’Eugène Delacroix. Le groupe rachète l’appartement-atelier-jardin, chargeant, de donation en donation, l’Etat de le transformer en musée. Un musée rattaché au Louvre depuis 2004.

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9) Musée Gustave Moreau, Paris (ÎLE-DE-FRANCE)

 

« Le Joli atelier de travail ! Merci maman, merci papa ! » En 1852, M. et Mme. Moreau achètent l’hôtel particulier du 14, rue de La Rochefoucaud, cadre propice à l’inspiration symboliste de leur fils. Sur les murs, les créatures merveilleuses s’entassent. 20 000 œuvres, dont quelques portraits de ses contemporains, que le peintre décide de léguer à l’État un an avant sa mort. Le legs n’est accepté que cinq ans plus tard, l’appartement du peintre restauré, et le musée ouvert au public, en 1905.

Petite visite guidée. Au premier étage, la salle à manger, pleine de boiseries et de céramiques, une chambre, où reposent quelques portraits de familles, et boudoir, érigé à la mémoire de son grand et unique amour, Alexandrine Dureux. Sans oublier la bibliothèque et le bureau. On monte d’un niveau, pour découvrir une vaste pièce longtemps utilisée comme atelier. Tout au bout, un escalier en colimaçon mène à un grenier-atelier, reconverti en deux salles d’exposition.

À VOIR absolument parmi les chefs-d’oeuvre exposés : Jupiter et Sémélé (1895), les Chimères (1884) et le Retour des argonautes (1891-1897).

Moreau