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L’art à l’écran #4

Vincent van Gogh en couleur

 

Vous avez lu l’histoire de Vincent Van Gogh ? Comment il vécut. Comment il est mort ? Paul Cox nous la raconte dans un film émouvant. En salles le 4 juin.

 

Au prime abord, la voix off en anglais, les reconstitutions historiques, des rues malfamées d’Amsterdam au Paris de la Belle Époque (1879-1914) en passant par la vie rurale du Midi, ainsi que les plans fixes de paysages peuvent surprendre, certes. Ceci dit, la gêne liminaire s’estompe rapidement face à la beauté des toiles défilant à l’écran. Aux séquences filmées dans la nature hollandaise succèdent des gros plans sur les dessins, puis les toiles de Vincent van Gogh (1853-1890) que l’on redécouvre sous un jour nouveau. Un tableau vendu sur les 2 000 œuvres produites par ce génie incompris en son temps ! Une injustice que souligne le réalisateur hollandais Paul Cox, dans un long-métrage inspiré de la fameuse correspondance qu’entretint van Gogh avec son frère Théo, de 1872 jusqu’à sa mort. Une correspondance à sens unique, semble-t-il, puisque c’est la voix du peintre en mal d’affection qui domine jusqu’à la fin, ou plus exactement la voix du comédien anglais John Hurt lisant les lettres de ce dernier. Produit de concert avec le Musée Kröller-Müller (Otterlo), le Rijksmuseum (Amsterdam), le Musée Van Gogh (Amsterdam) et le Musée d’Orsay (Paris), ce film brosse donc le portrait d’un artiste acharné, écorché et profondément humain. Lumineux.

 

Entre ombre et lumière

L’adjectif s’applique aussi à van Gogh. Resté dans l’ombre de son vivant, le peintre vouait un véritable culte aux couleurs ; de même que les Impressionnistes dont il se rapproche vers la fin des années 1880. Si le jeune Vincent se destinait à une carrière de pasteur, sa foi se loge progressivement dans sa palette ; comme si le rouge, le bleu et le jaune – attribué à ses célèbres tournesols – le condamnaient à atteindre la lumière blanche du Seigneur, cette lueur d’espoir éclairant le tunnel de sa sombre existence. Malgré tout l’amour qu’il porte en lui – pour son frère, sa cousine indifférente ainsi que l’ensemble de l’humanité – le coloriste zêlé finit par succomber à la mélancolie, à cette bile noire dont on entend scander le nom tout au long de la projection.

Toutefois, le film de Cox présente l’artiste torturé sous son meilleur jour. Les lettres sélectionnées ne laissent transparaître aucun signe d’instabilité mentale. Rien n’est dit, ou presque, des tensions l’opposant à Paul Gauguin (1848-1903). C’est pourtant au terme d’une violente dispute avec ce dernier (1888) que van Gogh se serait tranché le lobe d’oreille gauche avant d’être admis à l’hôpital psychiatrique le plus proche. Enfin, pas sûr qu’un spectateur naïf, ignorant tout de la vie du peintre, comprenne l’allusion à son suicide dans le coup de feu final. Ainsi s’éteint pourtant l’artiste mal-aimé… en une étincelle.

 

« Vincent. La vie et la mort de Vincent van Gogh », un film de Paul Cox, avec la voix de John Hurt.