3 romans

3 romans sur l’art

A lire absolument, ce printemps, trois romans où l’art se profile tant au premier qu’au second plan.

Sans titre de Valérie Gans

Paysage

Bali pour la scène d’ouverture.

Paris pour la suite des aventures.

Personnages

Le peintre Egon Stübli (hommage à Ego Schiele ?), tombé dans l’oubli, soudain meurt.

Dommage pour son compagnon, le chirurgien Charles Newcommer…

 

S’il désigne une toile privée de nom, le titre demeure assez vague pour troubler le lecteur. Ainsi Valérie Gans crée d’emblée le suspense. Son livre cible l’indicible, les secrets, les tabous. Avec un début un peu à dormir debout : l’artiste Egon Stübli, célèbre pour sa série Uglies, meurt dévoré par des requins au large de Bali. Ses vertèbres au fond de l’océan, sa cote remonte immédiatement. Son amant, le roi Charles du bistouri, finit par changer de bord pour une femme complexée par sa plastique parfaite. Panique d’abord, avant la fête. Leur amour encore platonique donne le jour à une clinique pour tout canon cherchant à devenir thon. Quoi de mieux afin de se faire un nom ? A croire qu’il manque une barbe à Barbie pour être prise au sérieux. Qu’est-ce que le Beau ? Telle est la question qui traverse ce roman satirique. La réponse de Platon oscille – on le sait – entre désir et vérité. Or, le héros se noie dans des manigances, que Valérie Gans décrit dans un style gorgé d’élégance.

Éditions JC Lattès, 300 p, 19€. Sorti le 4 avril.

 

Vers la beauté de David Foenkinos

Paysage

Quand on fait le pari à Lyon

De pouvoir à Paris jouer les caméléons…

Personnages

Antoine Duris, professeur d’histoire de l’art qui traverse une période difficile.

– Clin d’œil à Romain : l’acteur dessine et peint -

Mathilde Mattel, sa maîtresse, sa poupée, DRH dans un musée parisien.

Camille Perrotin (comme le galeriste), artiste torturée, usée par le temps qui défile.

 

Cette fois, il ne s’agit pas de trouver de la beauté dans la laideur mais de sublimer le souvenir d’un mauvais quart d’heure. Antoine Duris « trace », en ligne de fuite, à Paris. Sans un mot, sans adieux. C’est moche ! La hache de guerre n’aura pas lieu… d’être enterrée. Le dieu Eros décoche sa flèche au cœur des RH d’Orsay. Force de ruse, le héros sur-diplômé décroche un poste de gardien de musée. Sur les cimaises, des Modigliani, sujet de sa thèse passée. Trouver une solution dans la contemplation. Tâche qui fait tache quand on joue à cache-cache avec ses dilemmes. Mattel l’aime et le martèle de questions. De son côté, Camille ne jouit que d’une récréation, la création. Ses trois destins s’entrelacent au gré d’une vigoureuse écriture. Le mot respirer revient souvent sous la plume de David Foenkinos comme pour combler un vide, panser les maux, redonner un souffle à ce personnage qui étouffe. Parce qu’« Elle respirait l’éternité », elle inspire la sérénité. Percluse de bobos, c’est elle qui infuse, au bout du compte / conte, l’idée du Beau.

Editions Gallimard, 222 p, 19€. Sorti le 22 mars.

 

La toile du paradis de Maha Harada

Paysage

Le Musée d’art d’Ohara à Okayama.

Et à New-York, le MoMA.

Entre les deux, Zurich,

Où reposent des écrits ésotériques.

Personnages

Tom et, non Jerry, mais Orie. Deux historiens de l’art qui jouent au chat et la souris, autour d’un tableau du Douanier-Rousseau.

 

C’est l’histoire d’un tableau. Le rêve du Douanier-Rousseau. Ce nu figure Yadwiga, Polonaise dont le peintre était gaga, allongée sur un divan dans une végétation divinement luxuriante. Quel luxe que la paresse ! Cette composition dissimulerait un Picasso (La rime avec Rousseau évoque aussi Jean-Jacques le paranoïaque et ses rêveries de promeneur solitaire). C’est ce que Tom et Orie sont chargés d’élucider, à l’aide d’un journal anonyme dont les chapitres se dévoilent au fil des pages. La mise en abyme est double. Dans le livre de Maha Harada s’inscrit un autre ouvrage que deux pseudo-tourtereaux épluchent en vue d’expertiser une toile cachée derrière une autre image. Le voilà le rêve, le mirage… En tant qu’historienne de l’art, l’auteure découpe de manière claire les différentes étapes nécessaires au montage d’une exposition. Son roman-puzzle ne s’adresse donc pas seulement aux experts, mais à tous. Tel est son principal atout.

Editions Philippe Picquier, 320 p, 20€. Sorti le 3 mai.